Sphères de justice : Une défense du pluralisme et de l'égalité _ Michaël Walzer Traduit par Pascal Engel, (nouvelle édition) Date de parution 24/05/2013, La Couleur des idées, 496 pages

Publié le

Sphères de justice : Une défense du pluralisme et de l'égalité _ Michaël Walzer  Traduit par Pascal Engel, (nouvelle édition) Date de parution 24/05/2013, La Couleur des idées, 496 pages

Sphères de justice : Une défense du pluralisme et de l'égalité _ Michaël Walzer Traduit par Pascal Engel, (nouvelle édition) Date de parution 24/05/2013, La Couleur des idées, 496 pages

La notion de justice sociale a suscité durant les dernières décennies d’intenses débats en philosophie morale et politique, surtout depuis la publication de la Théorie de la justice de John Rawls (Seuil, 1987).

Dans cet ouvrage, Michael Walzer défend une conception rivale de celle du contractualisme de Rawls et propose une théorie radicalement pluraliste de la justice. Reprenant la conception pascalienne des « ordres », il soutient qu’il existe des sphères de justice distinctes, correspondant chacune à une conception particulière d’un type de bien entretenue au sein d’une communauté donnée, et relevant de critères de distribution spécifiques. Ce qui vaut dans la sphère économique ne se laisse pas transférer dans la sphère de l’éducation, ou dans celle du pouvoir politique ; les loisirs, la famille, et même la grâce divine ont chacun leur « sphère » propre. Contre l’égalitarisme « simple » qui vise à distribuer les biens de manière égale à moins que ce soit à l’avantage de tous d’admettre une inégalité, Walzer propose une théorie de l’« égalité complexe » : une société régie selon ce principe est une société dans laquelle aucun type de bien ne peut dominer les autres. Tout passage illégitime d’une sphère à une autre conduit à une forme spécifique de tyrannie. À travers une série d’enquêtes concrètes et originales, attentives au détail des manières dont les communautés ont forgé, à travers l’histoire, leurs systèmes de valeurs et de règles, Walzer propose ce qu’il appelle un « socialisme démocratique décentralisé », et jette les bases d’une philosophie politique adaptée à un monde de valeurs conflictuelles.


Michael Walzer, professeur émérite à l'Institute of Advanced Studies de Princeton, et l'un des principaux philosophes politiques américains contemporains, est l'auteur, notamment, de La Révolution des saints (Belin, 1988) et Guerres justes et injustes (Gallimard, 2006).

http://www.seuil.com/livre-9782021113006.htm

phères de justice. Une défense du pluralisme et de l'égalité

Michael Walzer, Seuil, 1997, 475 p., 180 F. MICHEL LALLEMENT
Mis à jour le 15/06/2011

Inscription newsletter Sciences Humaines


Comment fonder une société démocratique ? Qu'est-ce que l'égalité pour une communauté politique et comment assurer la justice sociale ? A l'articulation de la philosophie et de la sociologie, ces questions nourrissent à l'heure actuelle de nombreuses réflexions, dont l'une des plus importantes demeure la théorie « contractualiste » de la justice énoncée par John Rawls, au début des années 70. Dans cet ouvrage, paru en anglais en 1983, M. Walzer reprend les mêmes interrogations, et avance une thèse nouvelle et originale. Dans la filiation de Pascal et de Marx, Walzer soutient que les qualités des individus et les biens sociaux s'inscrivent sur des registres différenciés, comme les charges publiques, le travail, la famille, l'éducation, les loisirs... Chacun de ces ordres constitue une sphère de justice spécifique dont les principes ne valent que pour elle-même et ne sauraient, par voie de conséquence, être étendus à l'ensemble des mondes constitutifs de la société globale. Par exemple, pour être juste, l'accès à des emplois publics doit éviter toute forme de népotisme. Deux principes doivent être adoptés : la qualification (peuvent légitimement prétendre à un poste ceux qui ont la compétence requise) et la concurrence (une charge ne revient pas naturellement à un individu même s'il est qualifié). A l'école, le principe de justice consiste à éviter le piège de l'enfermement particulariste (un type d'école pour chaque ethnie) sans pour autant tomber dans le piège du faux universalisme : « Les enfants sont égaux à l'intérieur d'un ensemble complexe de schèmes de distribution. Ils reçoivent une éducation commune, même s'il y a une certaine variation dans les programmes (et dans les manières dont les maîtres mettent l'accent sur tel ou tel point dans le programme ou l'omettent) d'un lieu à l'autre. La cohésion de l'équipe éducative et le zèle coopératif des parents varieront aussi, mais ce sont des variations qui font partie de la nature de l'école démocratique. » Appuyé sur de nombreuses références historiques et illustrations empiriques empruntées aux sciences sociales, l'argumentaire se déploie également dans le domaine de la famille, de la reconnaissance et du politique. Ce faisant, Walzer pointe les limites multiples des théories de l'égalité simple (tout le monde doit bénéficier des biens de manière égale) au profit d'une philosophie de l'égalité complexe. Pour l'auteur, cela signifie qu'aucun bien ne peut s'imposer dans la société comme unique instrument d'échange et de participation. La domination de l'argent en dehors de sa propre sphère est fort dangereuse. Lorsque les riches se mêlent d'acheter des charges, de corrompre des cours de justice ou encore d'exercer le pouvoir politique, alors la démocratie cède vite le pas à la tyrannie. Au total, Walzer livre ici une analyse brillante et argumentée en faveur d'une véritable citoyenneté démocratique, réflexion qui prouve plus que jamais tout l'intérêt des chassés-croisés entre philosophie politique et sciences sociales.

http://www.scienceshumaines.com/spheres-de-justice-une-defense-du-pluralisme-et-de-l-egalite_fr_9773.html

Qu’est-ce que le juste ? La conception de Michael Walzer



La justice est l’un des objets par excellence de la philosophie morale. Depuis Platon, les philosophes n’ont cessé de questionner ce qu’est le juste. Je vous propose aujourd’hui d’examiner la position du philosophe Walzer, notamment au travers de son oeuvre “Sphères de justice”.

La justice comprise comme égalité complexe

En premier lieu, Walzer associe les concepts de justice et d’égalité. Traditionnellement, l’égalité est comprise au sens littéral : l’égalité simple ou arithmétique. L’originalité de Walzer réside dans le fait qu’il parle au contraire d’égalité complexe ou plurielle. Cela signifie tout simplement que la justice s’applique différemment selon les groupes humains et, notamment, selon les modes de vie.


Loin de toute conception abstraite du Bien et de toute idéalisme type platonicien, Walzer entend “rester dans la caverne, dans la cité, sur la terre ferme”. La justice est à comprendre comme “distribution des biens”, répartition égalitaire des biens sociaux entre les hommes au sein d’un groupe, d’une communauté. Qu’entend-on par “biens” ? Il s’agit de tout type d’activités, les talents, la capacité économique, les us, etc. Ces biens sont l’essence même de la communauté : ils constituent son être. Bien évidemment antérieurs à la répartition, ils doivent être répartis au sein de la communauté.



michael walzer - Sphères de justice

L’individu se définit avant tout comme membre d’une communauté. La question de la justice ne se pose donc pas selon l’individu, mais par rapport à la communauté. Dès lors, la question de la justice sera celle de la répartition au sein d’une communauté donnée, presque close (en “relative autonomie”), sans réelle référence à un quelconque universel. A noter dès à présent : toutes les communautés ont pour point commun de chercher à rendre la justice selon les moeurs du pays.

La répartition des biens : le principe unique de la justice

“La société humaine est une communauté distributive” : les hommes se rassemblent pour partager distribuer et échanger, et notamment partager le travail. La société est par ailleurs caractérisée par une multiplicités de procédures distributives. “La justice est une construction humaine, et il est douteux qu’elle puisse se réaliser d’une seule manière”.

La justice réside donc dans la distribution de biens entre des personnes au sein d’une “sphère”, selon des principes propres à cette sphère. Ce point est important. Pour Walzer les sphères sont littéralement juxtaposées, avec une application de la justice propre à chacune, sans que les biens de l’une soient interchangeables avec les biens de l’autre (même si l’argent est bien un moyen de mise en correspondance).

Par ailleurs, les critères de distribution sont toujours multiples : mérite, qualification,sang, amitié, besoin, etc.

Au final, une société sera juste si elle reste fidèle, dans sa distribution des biens, aux compréhensions partagées par ses membres.

Le principe unique de la justice est donc le principe de la répartition ouverte. Celui-ci s’énonce de la manière suivante :

“Aucun bien X ne peut être réparti à des hommes et des femmes qui possèdent un bien Y du seul fait qu’ils possèdent Y”.

Si dans son application, ce principe est nécessairement soumis à la diversité et aux particularités, son expression demeure universelle.

La difficulté réside dans la distinction des sphères et de leurs limites, ainsi que dans la définition du Bien correspondant à chacune. In fine, l’interprétation joue un rôle central. Chaque communauté, chaque sphère interprétera l’ensemble des significations partagées, relatives aux biens à partager. La répartition sera juste ou injuste selon ces significations. On voit donc que la justice n’est pas objective (contrairement par exemple à la position du philosophe Hans Jonas). Elle n’est pas cependant totalement subjective puisqu’elle est établie par la conscience collective.

En fin de compte, on le voit, l’homme est conçu comme producteur de sens.

Communauté et humanité

Walzer choisit la communauté comme référence de la justice, et non l’humanité. On peut néanmoins interroger ce choix théorique. Walzer lui-même répond aux éventuelles critiques en exposant l’anti-thèse :

l’humanité comme communauté politique n’exist pas encore. Il faudrait donc s’appuyer sur une fiction, sur des hypothèse imaginatives pour fonder la justice sur l’humanité. Le seul critère certain est géographique : la terre entière. Au contraire, les sphères, les communautés humaines existent : on peut partir du réel pour déterminer la justice et son application.

les valeurs de l’humanité n’existent pas plus que la communauté humaine : elles resteraient à inventer, et surtout à inventer en étant différentes de celles des communautés actuellement existantes. ll s’agirait donc d’un processus de destruction des valeurs existantes actuellement.

cette communauté ne pourrait résulter que d’une sorte de contrat social de chacun avec chacun (et non des communautés entre elles), et donc de la destruction des appartenances existantes. Or nous ne possédons pas d’expérience ou de modèle pour un tel contrat. Chacun serait seulement un homme, sans appartenance. Dans tous les cas, l’individu serait broyé par l’état : cela favoriserait le développement du totalitarisme.

On l’a vu, pour Walzer, l’homme reste avant tout un être communautaire, défini par son appartenance communautaire. Les individus sont en relation les uns avec les autres au travers des biens.

Une communauté à part : la communauté politique

Si les communautés sont multiples et juxtaposées, l’une d’entre elles se démarquent pourtant : la communauté politique. Seule cete communaté permet que soit exercée la justice distributive. Le premier bien à partager, c’est l’appartenance. Celle-ci constitue donc un bien transcendant. En un sens, la communauté est le principe archéologique de toute communauté.

Il y a traditionnelleme deux points de vue extrême concernant l’appartenance :

pas d’appartenance (état de nature)

tout est déjà partagé (individu totalement déterminé l’état)

C’est réduire l’égalité à l’égalité simple et méconnaître le caractère complexe des différentes sphères d’activité.

Conclusion

Au final, la position Walzer est intéressante par sa prise compte de la part communautaire irréductible de l’homme. L’homme conçu comme être atomique et purement égoïste est une vue de l’esprit qui ignore une large part la réalité humaine : l’appartenance de l’homme à une société qui le transcende.

Néanmoins, le risque est grand de tomber dans le communautarisme et ses travers. Comment condamner des pratiques inhumaines en cloisonnant le Bien dans des petites sphères en niant toute communauté humaine ? Si des sociétés se livrent à des actes barbares, comment les condamner s’ils découlent des significations partagées ?

A l’heure où des décisions économiques et écologiques urgentes sont à prendre à l’échelle mondiale, comment se contenter de ce système de sphères juxtaposées ? Peut-on se passer de construire une communauté humaine à l’heure de la crise ?

Articles similaires à Qu'est-ce que le juste ? La conception de Michael Walzer

Hans Jonas : Générations futures et populations actuellement damnées – Les damnés de la terre et l’utopie technologique
Hans Jonas : Générations futures et populations actuellement damnées – Les damnés de la terre et l’utopie technologique
Si dans notre précédente analyse nous avons directement abordé la responsabilité envers les générations futures, nous nous tournons à présent vers le thème de la ...

Platon, Le Criton – à propos du devoir
Platon, Le Criton – à propos du devoir
Le Criton est une oeuvre dans laquelle Platon aborde une problématique éthique : que doit-on faire ? Quel est le critère de la moralité ? ...

Hans Jonas : Générations futures et populations actuellement damnées – Des solutions pratiques pour développer notre responsabilité
Hans Jonas : Générations futures et populations actuellement damnées – Des solutions pratiques pour développer notre responsabilité
Les pôles de contestation du système de fonctionnement économique de nos sociétés, qu'il s'agisse d'organisations ou d'associations, sont de plus en plus présents sur la ...

Epictète, Entretiens, III-XIII : la paix intérieure dans le stoïcisme
Epictète, Entretiens, III-XIII : la paix intérieure dans le stoïcisme
Situation du texte étudié Le texte dont nous allons entreprendre aujourd'hui l'étude est extrait des Entretiens d'Epictète (III-XIII). Il a pour thème des éléments essentiels ...

Hans Jonas – Pour une éthique du futur
Hans Jonas – Pour une éthique du futur
A la suite de la publication de son ouvrage majeur (Le Principe responsabilité), Hans Jonas n'a pas cessé d'expliciter, de reformuler, parfois de modifier ses ...

http://djaphil.fr/sujets/quest-ce-que-le-juste-la-conception-de-michael-walzer-590

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article